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Des tests des normes produits aux conditions réelles des défauts

De manière simplifiée, lorsqu’on teste la capacité d’un disjoncteur à couper un court-circuit, on le fait sur tous ses pôles à la fois, en court-circuitant toutes ses bornes de sortie, et en le soumettant à la tension et au courant de court-circuit pour lesquels il est conçu. En conséquence, dans le cas d’un disjoncteur phase-neutre, l’appareil se trouve avec ses 2 pôles en série sous la tension simple U0 du réseau pour lequel il est conçu.

Il est alors aisé de comprendre que ce ne sont pas du tout les conditions rencontrées lors d’un défaut phase-PE en schéma TN : dans ce cas, le pôle de phase seul sera soumis à la tension U0, pour un courant de défaut If du même ordre qu’un courant de court-circuit Ik1.

Dans le cas d’un disjoncteur 3P ou 4P la contrainte d’un défaut est finalement similaire à la contrainte d’un courant de court-circuit triphasé(1) : lors d’un court-circuit triphasé, chaque pôle de phase est soumis au courant de court-circuit sous la tension simple U0.

Avec ce constat, on comprend que les appareils qui vont nécessiter une attention particulière sont principalement les appareils P+N et 2P :

  • les P+N parce que leur pouvoir de coupure est déterminé sous la tension simple avec 2 pôles en série au lieu d’un seul pôle
  • les 2P parce que leur pouvoir de coupure peut être déterminé avec 2 pôles en série sous la tension composée, ce qui revient à soumettre chaque pôle à Un/2, or Un/2 est inférieure à U0 (mais en pratique les appareils 2P ont souvent, par effet de gamme, des pôles identiques aux appareils 3P de même pouvoir de coupure).

(1) Les échanges qui ont eu lieu récemment entre les éditeurs de logiciels et les fabricants ont montré que cette affirmation n’est pas vraie pour certains disjoncteurs 3P+N de fabrication particulière.

Figure 1 : tensions auxquelles sont soumis les pôles des appareils de coupure lors de courts-circuits et de défauts phase-PE en schéma TN.

En schéma IT, c’est un peu le même problème, mais en plus contraignant : en cas de double défaut dans l’installation, on aura bien 2 appareils de protection mis en jeu, donc 2 pôles en série, mais les 2 appareils peuvent être de technologies et de calibres complètement différents. On ne peut donc faire aucune hypothèse d’association entre les 2 appareils, et il est impératif que chacun des appareils puisse couper seul le courant de double défaut. Or chaque appareil n’a qu’un seul pôle impliqué dans la boucle de défaut, et cette boucle peut être sous la tension simple U0 lorsqu’elle implique une phase et le neutre, mais aussi sous la tension composée Un lorsqu’elle implique 2 phases du réseau.

La prise en compte de ces problématiques dans l’actuelle NF C15-100

Cette contrainte en régime IT est prise en compte dans la norme NF C15-100 depuis longtemps :

  • les appareils de protection contre les surintensités doivent comporter une détection de surintensité sur tous les pôles y compris le neutre (sauf cas particulier, voir § 431.2.2 de la NF C15-100)
  • les dispositifs de protection doivent pouvoir couper sur un pôle, sous la tension composée Un, le courant de double défaut  (voir §533.3.1 de la NF C15-100).

En lisant les commentaires du §533.3.1, on constate toutefois que :

  • le courant de double défaut n’est pas calculé précisément en chaque point de l’installation : il est supposé inférieur ou égal à 0,15 ou 0,25 fois le courant de court-circuit triphasé
  • les disjoncteurs conformes à la NF EN 60947-2 ne possèdent pas forcément une caractéristique « Icu sur 1P » sous différentes tensions, il s’agit plutôt d’une aptitude au schéma IT obtenue grâce à la conformité à l’annexe H de la NF EN 60947-2. En pratique cette conformité est sous-entendue, lorsque l’appareil ne comporte pas un marquage indiquant le contraire. Et en examinant en détail la norme NF EN 60947-2, on découvre que les essais de l’annexe H sont réalisés à un courant qui dépend du réglage maximum du déclencheur à court-retard ou instantané, et qui n’a donc aucun lien avec le courant de double défaut supposé dans la NF C15-100 !

En schéma IT, la problématique du pouvoir de coupure sur un pôle est donc bien connue, les normes NF EN 60947-2 et NF C15-100 en tiennent compte, mais les vérifications qui sont faites sont largement perfectibles. En schéma TN, où la problématique est, comme on l’a vu au début de cet article, beaucoup plus simple qu’en schéma IT, le problème était pourtant mal connu et pas du tout pris en compte jusqu’à la récente application du guide AFNOR C15-500 de 2015.

Il existait bien une fiche d’interprétation F13 de la NF C15-100, parue en 2010, qui abordait le sujet, mais celle-ci n’était pas appliquée, faute de règles précises et de données sur les protections. Le guide AFNOR C15-500 paru en 2015 a apporté les précisions manquantes sur le courant de défaut à prendre en compte, mais les éditeurs de logiciels étaient encore dans l’incapacité d’appliquer cette vérification dans la plupart des cas, faute de données disponibles sur les disjoncteurs. Et pour cause : le pouvoir de coupure sur un pôle sous la tension simple est défini dans la norme des disjoncteurs domestiques (la NF EN 60998-1), mais pas dans la norme des disjoncteurs industriels (la NF EN 60947-2).

Des échanges constructifs pour une meilleure prise en compte de cette problématique

Les éditeurs de logiciels ont, depuis de nombreuses années, régulièrement alerté l’AFNOR et les fabricants sur cette incohérence. Avec la constitution en 2017 du comité ELIE au sein du GIMELEC, ils ont commencé à pouvoir faire entendre leur voix d’une manière plus unie et plus officielle. Certains fabricants sont par ailleurs eux-mêmes éditeurs de logiciels et sont présents au sein du comité ELIE, ce qui est bien utile pour faciliter la communication entre éditeurs de logiciels et fabricants.

A ce jour, l’état des lieux est le suivant :

  • certains fabricants fournissent des indications sur le pouvoir de coupure sur un pôle en schéma TN de leurs appareils.
  • l’AFNOR prévoit, dans la future NF C15-100, d’ajouter des précisions qui permettent de connaître, à défaut d’informations du fabricant, une valeur minimale du pouvoir de coupure sur un pôle de certains appareils.
  • des échanges ont lieu entre les éditeurs de logiciels et les fabricants, grâce à la création du comité ELIE, au sein même du GIMELEC.

Pour les éditeurs de logiciels ces échanges au sein de ce comité ont pour objectif :

  • d’améliorer ou compléter si nécessaire les précisions prévues dans la future NF C15-100 à ce sujet
  • de faire prendre conscience à un maximum de fabricants du besoin d’obtenir ces données pour les éditeurs de logiciels
  • de permettre d’utiliser la technique de filiation en schéma TN tout en respectant cette nouvelle règle (en effet, les tables de filiation données par les fabricant ne s’appliquent pas au pouvoir de coupure sur un pôle, sauf indication contraire, et il est donc généralement impossible d’utiliser la technique de filiation sur les installations en schéma TN)
  • d’étendre cette nouvelle vérification à la tenue des interrupteurs aux courants de défaut en schéma TN (ce sujet n’est pas encore explicitement abordé par la NF C15-100, mais il est complètement lié, et il serait naturel qu’il soit traité dès lors que les fabricants seront en capacité d’y apporter une réponse).

Dernière minute : Les informations de filiation sur 1 pôle en schéma TN sont disponibles auprès de Schneider et Legrand. Déjà en partie intégrées, elles seront bientôt toutes exploitables pour réaliser dans Lise des études en schéma TN avec de la filiation, même sur les appareils phase-neutre !